IA et Science-fiction
Lorsqu'on parle d'Intelligence Artificielle, dans les médias, c'est bien souvent en référence à des récits fictionnels. Les références culturelles sont nombreuses, et souvent bien plus connues que les exemples réels de systèmes d'IA que l'on rencontre dans l'économie numérique.
Les systèmes d'IA sont présents depuis les années 1950 dans les institutions publiques comme dans les entreprises, en tant que systèmes d'information ou pour des usages spécialisés liés à productivité, au temps de calcul, à la gestion. Cela a favorisé un imaginaire de l'ordinateur ayant réponse à tout, omniscient, d'après lequel les décisions peuvent être prises, qui aide à la décision ou qui décide à la place des humains. Embarqué dans des dispositfs souvent mobiles, c'est le droïd de protocole C-3PO dans La Guerre des Étoiles ou TARS dans Interstellar. L'un des scénarii type est souvent l'emballement général de la machine, suite à un dysfonctionnement généralement d'origine humaine, volontaire ou non, et qui mène à l'instant tragique du dépassement de l'homme par la machine.
Un autre genre d'IA, bien plus répandu dans les fictions dystopiques ou utopiques, sont les IA dont l'« Intelligence » se manifeste par des émotions. C'est HAL dans L'Odyssée de l'Espace, ou Marvin, le robot dépressif dans Le Guide du voyageur galactique, ou encore les Nexus 6 dans Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de P. K. Dick.
D'autres « configurations », toutes plus passionnantes les unes que les autres se retrouvent dans l'imaginaire foisonnant des auteurs de littérature de science-fiction, en particulier dans le genre cyberpunk. On pense à Muetdhiver dans le Neuromancien de W. Gibson.
Utopies et dystopies sont toujours des réflexions critiques sur la société dont elles sont contemporaine. Si l'on s'éloigne de cette dimension critique, on a tendance à n'en retenir que les détails scénaristiques et les avatars. C'est ce qui transforme généralement le discours des grands acteurs de la Silicon Valley en un discours performatif : s'emparer des imaginaires de la science fiction et leurs représentations technologiques pour en faire autant de prophéties auto-réalisatrices. Par exemple :
- Elon Musk et son projet d'aller sur Mars ou sa manière de s'emparer de l'esthétique du cinéma de science-fiction ;
- Sam Altman faisant référence au film Her de Spike Jonze.
À l'inverse, des initiatives se font de plus en plus nombreuses pour tâcher de prémunir la société contre les abus liés aux technologies et à l'IA en particulier, tout en faisant référence à la science-fiction conçue presque exclusivement comme un discours de futorologie, reléguant le genre littéraire à cette seule dimension. C'est ainsi par exemple le Future of Life Institute a parainé plusieurs initiatives de rencontres entre auteurs de science-fiction et divers acteurs de la haute technologie tel le concours Worldbuilding sur l'IA.
En matière d'IA, ces dernières années ont vu la science-fiction devenir le support de création de mythologies servant des intérêts de marketing, d'image, de story telling. L'écrivain W. Gibson précisait que la science-fiction est un bien pauvre instrument de prédiction. Dès lors, son usage dans le paysage économique ne peut être qu'une instrumentalisation, une stratégie de créativité pour servir le discours du capitalisme numérique et ses propres imaginaires, bien loin de la littérature.