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IApocalypse

Depuis l'avènement des grands modèles de langage, et plus encore lorsque le grand public a pu avoir accès à ces technologies via des services proposés par les GAFAM, les médias n'ont eu de cesse de fabriquer un discours qui oscille sans cesse entre craintes et espoirs. Tantôt ce discours nous soutien que l'IA va détruire le monde, tantôt que l'IA nous souvera toustes. De même de nombreux ouvrges se font l'écho de ce petit jeu à sensations : l'IA va-t-elle nous remplacer ? l'IA va-t-elle tuer la démocratie ? Comment l'IA façonne notre avenir ? etc.

La question qu'il faut soulever, à ce stade, n'est pas de déterminer qui a raison ou tort, ou bien qui a le Palantir pour prédire l'avènement du grand Mal. Non. La question consiste à se poser la bonne question : qui a intérêt à brouiller les pistes et quels sont les intérêts en jeu derrière cette industrialisation de l'IA ? Car à y bien regarder, voici qu'une technologie qui mis près de 50 ans à émerger, serait subitement capable de changer radicalement la face du monde. Or, son coût de développement est si élevé qu'il représente en réalité un risque de bulle financière, ou à tout le moins une mauvaise stratégie économique, ainsi que le montre l'analyse de Goldman Sachs en juin 2024… et le principal gagnant pour l'heure est Nvidia, le principal fournisseur de matériel. Face à ces difficultés de développement, on voit déjà se former une tendance vers des modèles plus petits, spécialisés, plus adaptés aux réels besoin au lieu de considérer que le passage à une échelle toujours plus grande et vers plus de puissance serait la solution à tout.

Pourtant les technoprophètes que sont les principaux dirigeants des entreprises des Big Tech continuent à nous abreuver d'un discours qui, aussitôt prononcé, est repris en boucle dans les médias, à grand renfort de science-fiction. Pour paraphraser l'ouvrage de Thibault Prevost : pourquoi la Silicon Valley nous vend l’apocalypse ? Ou bien : que le discours soit techno-optimiste ou techno-pessismiste, cela revient au même, comme le montre Nirit Weiss-Blatt.

Il s'agit d'un même effet de sidération qui est intervenu à l'arrivée de ChatGPT et ses semblables. Cette sidération a commencé sur les médias, brouillant les pistes pour que les Big tech maintiennent coûte que coûte un monopole d'expertise dans le domaine de l'IA et investissent la sphère politique censée la réguler. Alors que leurs activités sont de véritables gouffres énergétiques et financiers et contribuent significativement au changement climatique, une des raisons pour lesquelles ces prophètes nous prédisent l'IApocalypse consiste précisément dans le discours technosolutionniste qu'ils promeuvent par ailleurs, à savoir que ce sont leurs technologies qui sont à même de nous sauver.

C'est ce que montre Thibault Prévost dans son ouvrage. Le lobbying qu'ils mettent en oeuvre consiste dès lors à investir la politique et chercher à nous priver de toute possibilité de critique et de revendication, préférant ainsi une logique autoritaire plutôt que de chercher à convaincre. Alors que Fred Turner nous avait expliqué comment l'idéologie de la Silicon Valley avait transformé les idéaux hippies en intérêts capitalistes, on en arrive désormais au point de basculement vers l'autoritarisme et l'illibéralisme à la sauce Trump.